Bonjour à tous
Jours d'abstinence
Le fleuve, les rivières et les lacs pullulent de poissons de toutes sortes et comme les jours de
jeûne et d'abstinence sont nombreux, les Canadiens consomment beaucoup de poisson. Boucher, dans
son Histoire véritable et naturelle, dresse un tableau alléchant des habitants des eaux.
« Il y a quantité de saumons et truites depuis l'entrée du golfe jusqu'à Québec; il ne s'en
trouve point aux Trois-Rivières ni au Mont-Royal mais quantité dans le pays des Iroquois. Il
y a abondance de maquereaux, mais ils ne se trouvent qu'à l'île Percée. Le hareng donne en
plusieurs endroits : à l'île Percée, Tadoussac et autres rivières, il va par bandes comme
en Europe.
L'esturgeon se prend depuis Québec en montant en haut et dans tous ces grands lacs, où il y
en a grandes quantités : il s'en voit bien peu de petits, mais tous grands esturgeons de quatre,
de six et de huit pieds de long; j'ai vu qu'il s'en pêchait en abondance devant l'habitation
du Mont-Royal, pendant qu'ils avaient des hommes affectionnés à la pêche. II est parfaitement
bon salé et se garde bien longtemps; j'en ai mangé qu'il y avait deux ans qui était salé, qui
était aussi bon que quatre jours après la prise.
L'alose est plus abondante à Québec qu'en aucun lieu; il y en a des quantités prodigieuses au
printemps, qui est la saison qu'on la pêche. Le bar est un poisson d'eau douce : on en pêche
quantité à Québec et aux Trois-Rivières; je n'ai point oui dire qu'on en prit à Tadoussac ni
au Mont-Royal; c'est un poisson dont la chair est excellente et où il y a peu d'arêtes.
La barbue, commune en tout ce pays et qui abonde partout, est un poisson sans écailles (...);
la chair en est blanche et délicate, peut-être un des plus gras de ce pays-ci; elle a
d'ordinaire un pied et demi ou deux pieds de long; elle se prend à l'hameçon; elle est
fort bonne salée. Il y a aussi abondance d'éplan durant l'automne, tant à Québec qu'à
Tadoussac. Il se trouve des loches à Tadoussac et quantité d'autres sortes de poissons
que j'omets pour n'en savoir les noms.
L'anguille, ajoute Boucher, se pêche à Québec, en plus grande abondance qu'en aucun lieu,
dans le mois de septembre et au commencement d'octobre; elle est plus grosse et de beaucoup
meilleure au goût que celle qui se voit en France. J'en ai vu d'aussi grosses que la jambe
d'un homme; elle est délicate; elle se garde fort bien salée; elle se prend avec des nasses;
on en prend si grande quantité que cela n'est pas convenable à moins de l'avoir vu ».
Les lacs et rivières renferment de gros brochets, des carpes que l'on mange surtout frites à
l'huile, des perches, des truites, des achigans, des poissons dorés et des blancs. La morue
fait aussi partie de l'alimentation courante des Canadiens. Fraîche ou salée, elle est apprêtée
de diverses façons. On en pêche parfois un grand nombre. Le 31 octobre 1656, le sieur Lespinay
à lui seul en prend mille à la Malbaie.
Dans la région de Percé, on mange des huîtres. Nicolas Denys écrit en 1672 « C'est une grande
manne pour l'hiver quand le temps ne permet pas d'aller à la pêche. Elles sont dans les anses
ou à la côte proche de terre; pour les avoir, on casse la glace, on fait une grande ouverture,
puis on a de petites perches assez longues pour toucher au fond de l'eau. On en lie deux
ensemble par la moitié, puis on ouvre et ferme cela comme des tenailles, on les tire de l'eau
et on les jette sur la glace.
On ne va point à cette pêche que l'on ne soit plusieurs; les
uns pêchent, un autre fait le feu, l'autre écalle pour faire fricasser, d'autres les mettent
sur des charbons, deux ou trois ont une grande coquille, avec leur eau, de la mie de pain,
un peu de poivre et de muscade. On les fait cuire comme cela et c'est un bon manger et, quand
on est bien « rassasié, chacun emporte sa charge et les chiens entraînent chacun une sachée
avec un petit traineau qu'on leur fait fort légère. »
Source : Nos racines p 297
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