Bonjour à tous
Insaisissable Alexis
Tous les criminels savent qu'ils doivent fuir pour ne pas être pris et jugés. Cette précaution,
vieille comme le monde, a connu ses adeptes plus ou moins doués. Charles-Alexis dit Desessards
est arrêté, au début du mois de juin 1672, pour avoir tué le nommé Herme, son compagnon de
voyage et lui avoir volé toutes ses fourrures.
Desessards est un coureur des bois auquel les murs humides des prisons québécoises ou
montréalaises ne plaisent pas. II aime, semble-t-il, l'air frais et rien ne lui parait
plus agréable que l'évasion. Il en possède l'art à un degré extrême, incitant même monsieur
Dollier de Casson à raconter ses exploits et à les immortaliser...
Parlant de son « célèbre prisonnier », il précise qu'il a repris sa liberté une bonne dizaine de
fois, tant à Québec qu'à Montréal, ruinant la réputation de ses gardiens et celles
des «serruriers (qui y) ont perdu leur crédit à son égard, les charpentiers et maçons y sont
entrés en confusion, les menottes lui étaient des mitaines, les fers aux pieds des chaussons
et le carcan une cravate; qu'on lui fasse des ouvrages de charpente propres à enfermer un
prisonnier d'État, il en sort aussi aisément qu'un moineau de sa cage lorsque la porte en est
ouverte; il trouvait si bien le faible d'une maison, qu'enfin il n'y a point de muraille à
son épreuve, il tirait les pierres aussi facilement des murailles que si les maçons y avaient
oublié le ciment et leur industrie ».
S'il connaît parfaitement bien les règles de l'évasion, Alexis sait également se faire prendre.
Parlant de ces captures répétées, Dollier de Casson émet une hypothèse « Il s'est laissé
reprendre plusieurs fois comme s'il avait voulu insulter tous ceux qui voulaient se mêler de
le garder. Une fois, devant trois hommes qui l'avaient pris, lié, garrotté, les mains derrière
le dos, il se délia sans qu'aucun des trois hommes s'en aperçût. Bref, cet athlète de la liberté
a enfin si bien combattu pour elle qu'il semble s'être délivré une bonne fois pour
toujours. »
Pour sa dernière évasion, Alexis conçoit d'humilier une dernière fois ceux qui avaient mission
de le garder et d'entrer dans l'histoire plusieurs fusils dans les bras « Ayant été pris et
remis entre les mains de six ou sept hommes bien armés de chacun son fusil, ces hommes ayant
placé toutes leurs armes en un endroit pour jouer au pallot, leur prisonnier trouva à propos
d'interrompre leur partie pour commencer la sienne.
II sauta sur les fusils, les prit tous sous son aisselle, comme autant de plumes et avec un
des fusils il coucha tous ces gens en joue, protestant qu'il tuerait le premier qui approcherait.
Ainsi, reculant peu à peu en faisant face, il a pris congé de la compagnie et a emporté tous
leurs fusils. »
Même si Dollier de Casson a craint que, par son adresse, Alexis ne devienne le « chef de nos
bandits », il ne prit pas ce risque. On lui fit un procès par contumace, parce qu'il n'a pas
daigné se présenter devant le Conseil souverain, malgré le cri public lancé au son du
tambour.
Condamné le 6 mars 1673, à avoir les membres rompus puis à être étranglé et exposé sur une
roue aux « fourches patibulaires pour y demeurer jusqu'à parfaite consommation », il ne fut pas
repris. La sentence fut exécutée en effigie par le bourreau sur une potence élevée par le
charpentier Jean LeMire qui réclama dix livres pour cet ouvrage.
Source : Nos Racines p 307.
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