Le bourreau de Québec
Bonjour à tous
Lors de l'émission du dernier bulletin, dû à des problèmes techniques, vous avez reçu le bulletin deux fois
de plus, la photo de la trop chaude Marguerite n'était pas visible. Je m'en excuse et je la joins à
celui-ci. D'ailleurs, ce bulletin fait référence à sa famille.
La trop chaude Marguerite est née sous une mauvaise étoile et dans la mauvaise famille. Elle est la fille
de Marie Rivière, une chipie, et de Jean Rattier, un homme violent qui ne sauvera sa tête qu'en
acceptant le métier le moins convoité de Québec, celui de bourreau.
La Nouvelle-France a toujours eu de la difficulté à trouver des gens qui acceptent de servir « d'exécuteur
des hautes oeuvres » . Pourtant, le bourreau est logé, dans la Grande Allée, aux frais de la princesse.
Le problème, c'est que le bourreau et sa femme, la bourrelle, ne peuvent se promener dans les rues de
Québec sans se faire insulter par la populace. Le bourreau est méprisé ostensiblement. Il est marqué
au fer rouge. Il est traité comme un criminel en liberté.
Jean Rattier est originaire de Saint-Jean-d'Angely, en Saintonge. Il se marie à Trois-Rivières, le 6
février 1672. Cinq enfants naîtront de son union avec Marie Rivière, elle-même née dans le bourg de
Causse, non loin des Saintes. Il quitte Trois-Rivières et un emploi de domestique pour affermer la
terre de Laurent Philippe dit Lafontaine, à Saint-François-du-Lac. Ce déplacement sera le commencement
de sa déchéance.
À la mi-octobre 1676, il est mêlé à une violente bagarre d'ivrognes à laquelle participe Jean Crevier,
le seigneur du lieu. Un habitant de Saint-François-du-Lac, Pierre Couc, est grièvement blessé.
Sa fille Jeanne y trouve la mort. L'affaire est grave. Rattier écope de la plus lourde peine. Il est
condamné à être pendu et étranglé sur la place du marché de la basse-ville de Québec (la place Royale
d'aujourd'hui). Jean Rattier est chanceux dans sa malchance : le bourreau de Québec vient de mourir ;
il n'existe aucun autre exécuteur dans toute la colonie. On lui promet la vie sauve s'il accepte de
remplir l'emploi vacant. Il n'a pas le choix. Il accepte.
Les citoyens de Québec n'accepteront jamais le nouveau venu. À telle enseigne que le Conseil souverain
doit intervenir pour le protéger, lui et sa famille, de la fureur publique. Un arrêt interdit à
quiconque de l'agresser verbalement ou physiquement, sous peine de punition corporelle. Le bourreau
n'est pas tranquille pour autant.
À l'été de 1695, sa propre femme, Marie Rivière, est trouvée coupable de vol de chaudières chez les
veuves Gourdeau, Beaulieu et Pellerin Saint-Amant. Sa fille Charlotte est complice du larcin. La mère
est d'abord condamnée à être battue de verges, puis les autorités adoucissent la peine pour ne pas
mettre le bourreau dans une position intenable. Malgré tout, le 5 juillet, vers 8 h du matin, sous
les rires et les quolibets, le bourreau Rattier est forcé de mettre sa propre épouse au carcan en
pleine place publique.
Sa fille Charlotte s'en tire avec 15 jours d'enfermement à l'Hôpital général. Elle épousera, l'année
suivante, Daniel Boit, originaire de la région de Bordeaux. Charlotte est la seule de la famille à
s'en sortir. Tous les autres vivront une vie de gibier de potence. Bientôt, la maison du bourreau
devient un lupanar fréquenté par les soldats.
Source : Louis-Guy Lemieux
Le Soleil
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