Bonjour à tous
À qui ce coeur
Louis de Buade, marquis de Frontenac meurt au Château Saint-Louis, à Québec, le 28 novembre
1698. Six jours plus tôt il rédige un testament par lequel il dispose de ses biens. Plus d'un
millier millier de livres vont en aumône aux récollets dont il est depuis toujours au nombre des
bienfaiteurs.
L'une des clauses du testament de Louis de Buade de Frontenac a donné naissance à une légende que
réfutent les historiens. Elle concerne l'organe vital du gouverneur : son coeur.
« Et comme Madame Anne de La Grange, son épouse, peut souhaiter comme lui, que le coeur de lui,
seigneur testateur, soit transporté en la chapelle de Messieurs de Montmort, dans l'église de
Saint-Nicolas-des-Champs, à Paris, en laquelle sont inhumés Madame de
Montfort, sa soeur, et Monsieur l'abbé d'Aubazine, son oncle, il veut qu'à cet effet son coeur
soit séparé de son corps et mis en garde dans une boite de plomb ou d'argent. »
Le corps du marquis est, comme il le demande, inhumé dans le couvent des récollets qui brûla en
1796, anéantissant pour toujours les restes du gouverneur qui étaient enfermés dans un cerceuil
de plomb.
En même temps, fondaient les cercueils de trois autres gouverneurs. Les cendres de ces
hommes à qui la vie n'avait pas permis la moindre rencontre se retrouvaient donc pêle-mêle
à l'intérieur d'un autre cercueil de plomb. La cohabitation des Frontenac, Callières, Rigaud de
Vaudreuil et de La Jonquière et de quelques récollets n'étaient pas promise à la paix.
Transportés à la cathédrale Notre-Dame de Québec on déposa ces restes prestigieux du côté
de l'Évangile où ils demeurèrent jusqu'en 1828.
C'est une petite boite que l'on déposa cette année-là sous la Chapelle Sainte-Anne.
En 1877, pendant des travaux d'excavation de la Basilique, on fouilla vainement le sol. Les cendres,
enfin, s'étaient dispersées...
Mais le coeur, le fameux coeur du marquis, qu'était-il devenu?
Le père Joseph Denis, récollet et supérieur du couvent, s'était rendu en France où, conformément
aux voeux du disparu, il en confia le coeur aux pères de la chapelle des Messieurs de Montmort, de
Saint-Nicolas-des-Champs à Paris.
L'écrivain Joseph Marmette donne une autre couleur à l'histoire du coeur du marquis de Frontenac.
Dans François de Bienuille, publié en 1870, l'auteur raconte l'histoire du testament. Il y ajoute
cependant ces quelques phrases qui allaient plaire au public et aux amateurs de bons mots et passez
pour véridiques « D'après une tradition conservée par le Frère Louis, récollet, le coeur du comte
de Frontenac fut envoyé, après sa mort, à sa veuve.
Mais l'altière comtesse ne voulut pas le recevoir, disant
qu'elle ne voulait pas d'un coeur mort qui, vivant, ne lui avait pas appartenu. La boite qui le
renfermait fut renvoyée au Canada et replacée dans le cercueil du comte où on la retrouva après
l'incendie. »
Effectivement, on tenta, en 1796, de retrouver cette boite dont Philippe-Aubert de Gaspé,
alors âgé d'une dizaine d'années, signalait l'existence. L'histoire dont Marmette faisait état
plusieurs années après serait, dit-on, née d'une insinuation d'où les jésuites et leurs
partisans ne seraient pas étrangers.
Ces derniers n'auraient jamais pardonné à monsieur de
Frontenac ces mots contenus dans une lettre au ministre Colbert, en 1672
« Pour vous parler franchement, ils (les jésuites) songent autant à la conversion du Castor qu'à
celle des âmes; car la plupart de leurs missions sont de pures moqueries. »
Source : Nos racines p 260
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