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Pendaison à Québec
En 1608, alors que Samuel de Champlain ne songe qu'à construire un fort et à ensemencer le sol de
Québec, cinq hommes rêvent de le voir mourir. Depuis leur départ de France, ils ont mis au point
un plan meurtrier qui doit être exécuté sans tarder. Le serrurier Jean Duval est à la source de
ce projet aussi téméraire que dangereux. Sa colère, son ambition, le rêve d'être riche, lui font
trouver les mots capables de convaincre ses quatre complices de l'urgence de faire mourir
Champlain. Il excite le mécontentement de chacun en insistant sur les problèmes d'alimentation
et sur le surcroît de travail, et il trouve des accents convaincants pour les faire rêver.
« Champlain mort, ils pourront faire une bonne main par le pillage des provisions et
marchandises apportées de France, lesquelles ayant partagées, ils se retireront en Espagne
dans des vaisseaux basques et espagnols qui étaient à Tadoussac pour y vivre heureusement ».
Leur plan paraît soigné. Ils ne veulent pas qu'un seul d'entre eux puisse être soupçonné. Ils ont
donc prévu que le crime aurait lieu la nuit. On tenterait de prendre Champlain au dépourvu et de
l'étouffer ou, encore, de donner une fausse alarme et, « comme il sortirait, lui tirer un coup de
mousquet: ce qui devait se faire dans quatre jours ».
D'ici là, celui des cinq complices qui
oserait parler, serait poignardé.
Antoine Natel, serrurier, osa parler. Il s'adressa secrètement au capitaine Testu auquel il
donna les détails du complot qui devait permettre aux Basques et aux Espagnols de s'emparer de
Québec.
« Mon ami, lui dit-il, vous avez bien fait de découvrir un dessein si pernicieux
et vous montrez que vous êtes homme de bien, et conduit du Saint-Esprit. Mais ces choses
ne peuvent se passer sans que le sieur de Champlain le sache pour y remédier, et (je) vous
promets de faire tant envers lui, qu'il vous pardonnera et à d'autres (...).»
Immédiatement, le capitaine va trouver Champlain qui veille aux travaux du jardin et lui parle
de la confession de Natel. Le soir même, Champlain fait arrêter les conspirateurs. Il a donné
à un jeune homme l'ordre de les inviter à boire dans sa chaloupe, en leur disant que les
bouteilles étaient un cadeau que « ses amis de Tadoussac lui avaient donné »
Le lendemain matin, Champlain entendit toutes les dépositions devant le pilote et les mariniers
du vaisseau, et il les fit transcrire. Le même jour, il fit aussi fabriquer des menottes
« pour les auteurs de la sédition » et pour deux autres personnes
qu'il soupçonnait d'y
avoir participé. Le groupe prit ensuite le chemin de Tadoussac où Champlain avait bon espoir
de laisser les mutins.
Pourtant, le lendemain, dès son retour à Québec, il est suivi de
Pont-Gravé qui ramène les prisonniers. Devant la déception et la colère de ses hommes
qui croient que les prisonniers ont recouvré la liberté, Champlain met au point une
confrontation. Les hommes persistent dans leur aveu de culpabilité. Selon Champlain,
ils demandèrent leur pardon en «s'accusant d'avoir méchamment fait et mérité punition, si on
n'avait de miséricorde envers eux, en maudissant Jean Duval, comme le premier qui les avait
induits à telle trahison, dès qu'ils partirent de France. Ledit Duval ne sut que dire, sinon
qu'il méritait la mort, et que tout le contenu des informations était véritable et qu'on eût
pitié de lui, et des autres qui avaient adhéré à ses pernicieuses volontés » .
Enfin donc, Champlain met sur pied un jury composé du capitaine du vaisseau, du chirurgien,
du maître, du contremaître et d'autres mariniers « Nous décidâmes que ce serait assez de faire
mourir ledit Duval, comme le motif de l'entreprise, et aussi pour servir d'exemple à ceux qui
restaient, de se comporter sagement à l'avenir en leur devoir, et afin que les Espagnols et
les Basques qui étaient en quantité au pays n'en fissent pas trophée».
Antoine Natel ne fut pas condamné car seulement trois des complices de Jean Duval rentrèrent
en France pour faire face une seconde fois à la Justice. Selon Marc Lescarbot, le sieur de
Monts leur a fait grâce. Jean Duval, pour sa part, fut pendu et étranglé à Québec et sa tête,
mise au bout d'une pique, fut placée « au lieu le plus éminent de notre fort ».
Source : Nos racines p 88
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