Bonjour à tous
Au cours des prochains mois, comme bulletins, je vais reproduire certains récits retracés dans les
fascicules Nos Racines, publiés au cours des années 1970.
Ces récits, de sujets très variés, dont certains nous relatent des faits autant farfelus que
véridiques, nous ramènent à l'ère de la colonisation de la Nouvelle France, soit au début du
17ième et du 18ième siècle. Ils ont été rédigés par, ou sous la surveillance de deux historiens
renommés : Madame Hélène-Andrée Bizier et Monsieur Jacques Lacoursière. J'espère que vous aurez
autant de plaisir à les découvrir que j'en ai eu à les reproduire.
Bonne lecture.
Quel carême
En 1670, Louis Gaboury, un homme de l'île d'Orléans, a l'occasion de se repentir de deux fautes
graves. D'abord, il mange de la viande en plein carême. Ensuite, il a négligé les vertus du bon
voisinage. Le délie commis par Gaboury fait sourire à une époque où jeûne et abstinence ont
abandonné la partie jouée par les catholiques. Au XVIIe siècle, à l'île d'Orléans, comme dans
toute la Nouvelle France, ce manquement aux commandements de l'Église valait aux coupables une
accusation portée devant les tribunaux.
C'est pourquoi l'aventure de Louis Gaboury nous est connue. Ayant été vu mangeant de la viande
alors qu'il était défendu de le faire, Gaboury est dénoncé par son voisin et mauvais ami,
Étienne Beaufils.
Le 26 octobre, le dénonciateur obtient la condamnation de l'accusé, ce qui ne va pas sans un
certain bénéfice... Gaboury est condamné à être exposé pendant trois heures consécutives devant
la porte de la chapelle de l'île d'Orléans, « où, étant à genoux, les mains jointes et
nu-tête, il doit demander pardon à Dieu, au Roi et à la justice pour avoir mangé de la
viande pendant le carême sans en demander la permission à l'Église». La peine est humiliante et
ruineuse car, en outre, on condamne Gaboury à verser vingt livres aux oeuvres charitables de sa
paroisse et à donner à Beaufils, une vache et un certain montant d'argent.
On sait combien les animaux étaient rares et précieux au pays. Il n'est donc pas étonnant de voir
Louis Gaboury porter sa cause en appel devant le Conseil souverain qui, après l'avoir entendu le
ler décembre suivant, maintient la partie de la sentence où le condamné doit exprimer publiquement
son repentir et modifie celle où Gaboury se ruine en donnant une vache à son dénonciateur. En
compensation, Gaboury est condamné à lui verser soixante livres. L'amende de vingt livres est
portée à vingt-cinq, mais les oeuvres charitables y perdent car elles n'en toucheront
que la moitié, l'autre étant destinée au huissier Levasseur, en compensation de ce qui lui est
dû.
Dernier avertissement du Conseil souverain à Gaboury :
«Défense à lui de récidiver, à peine de punition corporelle.»
Source : Nos Racines p. 124
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