Bonjour à tous
De la bagatelle au viol
L'historien Robert-Lionel Séguin a recensé, à lui seul, quelque 150 cas de libertinage impliquant près de
400 individus, tant hommes que femmes, au XVIIe siècle. Ce chiffre impressionnant pour une société de
quelques milliers d'habitants ne comprend que les causes portées devant les tribunaux. On peut imaginer
le reste.
Ces frasques et aventures vont de la bagatelle au viol. Les accusations pour débauche publique, style
Marguerite Rattier, sont les plus fréquentes. Viennent ensuite les cas de prostitution, mentionnés 14
fois aux registres du bailli. On pourrait croire que la débauche et la prostitution sont l'affaire des
seules filles mal élevées ou laissées à elles-mêmes dans un pays d'aventuriers et de coureurs des bois.
Pas seulement. Parmi celles qui vendent leurs charmes se trouvent nombre de femmes mariées, souvent
mères de famille. On relève quatre cas de proxénétisme où le mari sert d'entremetteur à sa propre femme.
La petite société du XVIIe siècle ne fait pas toujours la différence entre les cas de séduction, de
rapt et de viol. À noter que les Amérindiens ne forcent pas les femmes, qu'elles soient rouges ou
blanches. Les plaintes à ce sujet contre des Indiens sont rarissimes, alors qu'on ne les compte plus
chez les colons français.
Durant le premier siècle de la colonie, huit conjoints sont reconnus coupables d'adultère. Au moins
six couples vivent en concubinage notoire. On relève huit cas de bigamie à Montréal, Québec et
Trois-Rivières.
Les homosexuels semblent bouder la Nouvelle-France, et pour cause. Les archives judiciaires ne
mentionnent que trois cas de sodomie, impliquant des soldats. L'exhibitionnisme semble tout aussi
rare. Malgré l'exiguïté des maisons et les familles nombreuses, dès le début, la justice n'est saisie
que d'un seul cas d'inceste. Les femmes qui s'adonnent au libertinage sont légèrement plus nombreuses
que les hommes.
En conclusion, il est rassurant de constater que les moeurs et le climat social sont sensiblement les
mêmes ici qu'en Europe, à la même époque. Nous sommes loin de la vision édifiante transmise pendant
trois siècles par l'histoire traditionnelle.
(Sources: La vie libertine en Nouvelle-France au dix-septième siècle, de Robert-Lionel Séguin, Leméac,
1972 ; Le Vieux Québec, de Pierre-Georges Roy (1923) ; Les crimes et les châtiments au Canada français
au XVIIe siècle, de Raymond Boyer, Le Cercle du Livre de France, 1966).
Source : Louis-Guy Lemieux
Le Soleil
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