Bonjour à tous
François Bacquet-Lamontagne
Le patronyme Lamontagne sert d'autocollant à deux familles d'origine différente. Noël Jérémie, sieur de
LaMontagne, champenois par son père Claude et Hélène Macart, épousa à Québec, le 29 janvier 1659, Jeanne
Pelletier, fille de Nicolas et de Jeanne de Vouzy. Le couple, responsable d'une famille de 14 membres,
vécut d'abord dans la région de Québec, avant de s'établir à Batiscan. Les descendants portent aussi,
semble t'il, le patronyme de Douville.
Le gascon François Bacquet dit Lamontagne ne possède aucun lien connu de parent avec Noël Jérémie.
Baquet désigne un marchand ou un fabriquant de baquets, cuves à lessive. En vieux français, c'est aussi
un "petit bac". Ce surnom concerne peut-être un marinier ou un passeur.
Soldat
Le fils de Renaud Bacquet et de Jeanne Montus avait vu le soleil à LaMontjoie, petite localité perdue au
sud-ouest de la France, aujourd'hui dans le canton de Francescas, arrondissement de Nérac, département
de Lot-et-Garonne. Nérac posséda une forteresse féodale au XIième siècle. Sur ces ruines, l'on
construisit un château qui servit de résidence à la sœur de François 1er, Marguerite de Valois.
Les puissants Romains ont même laissé des vestiges de leur civilisation dans cette région.
François Bacquet était originaire d'un territoire éloigné, peu propice à l'envoi de colons en Amérique.
Vers l'âge de 18 ans, en 1663 ou au début de 1664, il fut appelé à servir sous les drapeaux de sa patrie
dans une compagnie nommée Poitou et commandée par le capitaine François de Tapie de Monteil. La France
avait alors un besoin urgent de soldats valeureux pour défendre ses intérêts dans les Antilles.
Le 19 novembre 1663, Alexandre de Prouville de Tracy reçut sa commission de "lieutenant général dans
toute l'étendue des terres de notre obédience situées en l'Amérique Méridionale et Septentrionale..."
Tracy possédait une double mission: déloger les Hollandais des Antilles et, au Canada, porter la guerre
jusque dans les foyers iroquois pour les exterminer entièrement.
Sous le commandement de Tracy, une flottille partit de La Rochelle le 26 février 1664. Destination:
Cayenne. Elle transportait 650 colons et 4 compagnies d'infanterie: de Brogilie, Chambellé, Orléans
et Poitou. Au mois de mai 1664, Cayenne tomba aux mains des Français. Puis, les victoires se succédèrent
à la grande satisfaction de François Bacquet dit Lamontagne.
Le 25 avril 1665, le lieutenant général et ses troupes quittèrent la Guadeloupe et se dirigèrent vers le
Saint-Laurent. Après avoir mouillé à Percé, l'expédition arriva à Québec le 30 juin. Plusieurs soldats
furent hospitalisés. Les autorités conclurent à la nécessité de reposer les troupiers fatigués ou
malades, de tracer des chemins, de bâtir des forts, avant l'expédition punitive décrétée pour l'année
suivante.
Les militaires de Tracy et ceux du régiment de Carignan furent réunis sous un seul commandement. Le 14
septembre 1666, Tracy et le gros de l'armée marchèrent vers le pays des Agniers au-delà du lac Champlain.
Les ennemis s'étaient envolés comme des oiseaux. Il fallut se contenter de la destitution des villages et
des récoltes. Cette victoire mitigée avait réussi à terrifier les Iroquois, mais non à les vaincre.
Ce fut, en 1668, la démobilisation générale, le démantèlement du régiment et le retour en France d'un
grand nombre de militaires. On dressa alors le "rolle" de ceux qui restaient au Pays. C'est ici que nous
découvrons, caché, le surnommé LAMONTAGNE de la compagnie de Monteil. Cette liste a été rendue publique
d'abord par Benjamin Sulte, ensuite par Francis-J. Audet à la Société Royale du Canada, enfin par Régis
Roy et Malchelosse. A retenir pour démêler les cartes qu'il y avait 4 soldats portant le patronyme
Lamontagne: François Dilay, compagnie de Saint-Ours; Pierre Dupuis, compagnie de Petit; Honoré Martel,
compagnie de Berthier; François Bacquet, compagnie de Monteil ou de Poitou.
François Bacquet, comme ses compagnons demeurés en Nouvelle-France, fut soldé pendant une année
supplémentaire. Quel fut l'emploi de son temps en 1669 et en 1670 ? Fit-il partie de la garnison de
Québec ? Se mit-il au service d'un fermier ? Nous ne le saurons jamais.
Anne Philippe
Anne Philippe était une fille protégée par le roi. Arrivée au pays à l'été 1671, elle s'engagea d'abord
par contrat de mariage à épouser le breton François Desbaupins, le 4 novembre 1671. Mais, un autre
François se présenta à la jeune future épouse. Le cœur de la fille de Jacques Philippe et d'Anne
Audiger, malgré le sérieux de ses 18 ans, chavira. François Bacquet devint son favori. Personne n'a
trouvé de convention matrimoniale notariée entre Anne et François. Nous savons tout de même que la
future apportait des biens estimés à 300 livres et un don du roi d'une valeur de 50 livres.
Le 24 novembre 1671, Anne, originaire de Nogent-sur-Seine, évêché de Troyes, en Champagne, et François,
de l'évêché de Bordeaux, se présentèrent devant l'abbé Thomas Morel, prêtre missionnaire, pour faire
bénir leur union. L'acte est inscrit à Québec. Le grand militaire Olivier Morel de la Durantaye signe
comme témoin avec Michel Lecours, un habitant de Beauport.
Colon à Saint-Michel
Talon, le 29 octobre 1672, concéda officiellement en seigneurie à Olivier Morel de la Durantaye un
territoire situé à Saint-Michel, aujourd'hui dans le comté de Bellechasse. Le 1er mai 1693 et 7 mai
1696, les autorités civiles firent des ajouts à la propriété du seigneur. La seigneurie de la Durantaye
s'étendait sur environ 3 lieues de front, côté sud du fleuve, et sur 4 lieues de profondeur, entre les
seigneuries de Berthier à l'est et de Beaumont à l'ouest. Sur ce territoire, 2 paroisses virent le
jour: Saint-Michel et Saint-Vallier.
Un des tout premiers colons de Saint-Michel fut François Bacquet. L'on peut même se demander si, en
1671 ou au début de 1672, le couple Lamontagne n'était pas déjà occupé à exploiter son lot, le 6ième
d'après la carte de catalogue faite en 1709. L'on sait que plusieurs seigneurs mirent en valeur leur
seigneurie souvent bien avant l'obtention de leur acte officiel de concession. Ne serait ce pas le cas d
'Olivier Morel revenu au pays au mois d'août 1670?
De toutes façons, c'est là que François et Anne vécurent toute leur vie canadienne. Le 20 octobre 1678,
Anne Philippe est marraine du dernier enfant de Nicolas Le Roy, Jean-Baptiste.
Le recensement de 1681 nous apprend que François Bacquet, 35 ans, possède à Saint-Michel 1 vache et 7
arpents de terre en culture. Son premier voisin Pierre Balan, dit Lacombe, en cultive 2: le second,
Julien Boissy, dit LaGrillarde, époux de Françoise Grossejambe, nous fait voir 13 arpents en exploitation,
5 bêtes à cornes et 1 fusil.
Enfin, le 21 mars 1712, Olivier Morel concéda officiellement une terre à François Bacquet, fils. Le lot
avait 3 arpents de front sur le fleuve avec 40 arpents de profondeur. Il était situé entre "les
héritiers de defunt patry et d'autre coste...a François Rouleaux". Mieux vaut tard que jamais!
Génération Philippe-Bacquet
Les familles de colons français étaient ordinairement nombreuses. Cependant, celle de François Bacquet
et d'Anne Philippe fut au-dessous de la moyenne avec une seule fille et trois garçons: Marie-Anne,
François, Pierre et Joseph. Tous naquirent à La Durantaye et y reçurent le baptême, entre 1678 et 1691.
Le 4 décembre 1678, l'abbé Thomas Morel baptisa l'aînée Marie-Anne, née le 23 novembre précédent. L'acte
a été inscrit à Québec. Il nous dit qu'André Patry et Marie Ducoudray, femme de François Grenet, furent
ses parrain et marraine. Marie-Anne apparaît sur une liste des malades de l'Hôtel-Dieu de Québec pour
un séjour de un mois et demi le 1er mai 1693 et une autre entrée le 24 juillet 1696 à l'âge de 13 ans.
Elle ne laissa aucune trace de son existence après cette dernière mention et le recensement de 1681.
Quant à François, le seul à transmettre son patronyme à la descendance, il épousa Elisabeth Guénet, le
2 juin 1710, à La Durantaye. Sa compagne de vie, fille de Pierre Guénet et d'Elisabeth Paquet, lui donna
9 enfants à aimer. Le 2 août 1717, François recevait de son frère Joseph la moitié de la terre paternelle,
ou 1 1/2 arpent de front. Le curé Jean-Baptiste Lacorne, le 18 octobre 1744, présida les funérailles de
François, premier fils de l'ancêtre. Son épouse était morte depuis le mois de mars 1734.
Le registre de Saint-Joseph de Lauzon garde le souvenir de l'acte de baptême de Pierre Bacquet, célébré
le 27 février 1687. Le parrain Pierre Millet lui avait légué son prénom. Pierre fut hospitalisé à
l'Hôtel-Dieu de Québec, le 30 novembre 1708. Il décédait, le 4 décembre suivant, à l'âge de 20 ans
et 9 mois.
Le cadet Joseph, filleul de Joseph Grégoire le 13 octobre 1691, demeura célibataire. Le 7 novembre 1736,
il était inhumé dans le cimetière de Saint-Michel.
Telle est en bref la trop courte histoire de la deuxième génération Philippe-Bacquet.
Versant de la montagne
La vie de François Bacquet et de son épouse baigne dans une sérénité exemplaire; aucun esclandre, aucune
dispute de taille; au contraire, une vie paisible et heureuse malgré les sacrifices inhérents à la vie
des pionniers dispersés sur les bords du fleuve Saint-Laurent. La "Grande Rivière" offrait ses poissons;
les berges, ses volatiles; la forêt, son gibier varié; la terre neuve, ses blés mûrs.
François Bacquet partit le premier. "Après avoir reçu les sacrements de pénitence, viatique et
extrême-onction", il fut inhumé à Québec, le 10 avril 1701, devant les témoins Jean Dubreuil, habitant
de l'Ile d'Orléans, et Jacques Michelon, bedeau de la cathédrale.
Anne Philippe, après plus de 7 ans de veuvage, convola en justes noces avec François Marquet, un voisin
établi à La Durantaye depuis de nombreuses années. Veuf de Marie Dain, Marquet avait deux filles:
Françoise, mariée en 1692, Catherine, épouse d'Antoine Bourgeois depuis 1697. Le 20 janvier 1709, à
Saint-Michel, Anne et François unirent leur solitude. Le nouveau mari mourut le 11 mars 1715. L'aïeule
Anne Philippe décéda à son tour, deux mois plus tard, le 1er mai. Elle fut inhumée dans le cimetière
de la paroisse où elle avait vécu l'espace de trente ans.
Anne et François Bacquet avaient développé, ensemble, une parcelle de notre grand pays. Ensemble, sur
le versant de la montagne, ils avaient planté une tige qui est devenue un grand arbre.
Le 17 octobre 1965, plus de 500 Lamontagne se réunissaient, à Saint-Michel, près de la vieille maison
de Valère Lamontagne. Après 3 siècles, c'était les retrouvailles de descendants originaires du Québec,
de l'Ontario et de la Nouvelle-Angleterre. L'Honorable Maurice Lamontagne, secrétaire d'état, homme
politique remarquable, participait à la cérémonie du dévoilement d'une plaque-souvenir, sur laquelle
on avait gravé ces mots: "Hommage à François Bacquet dit Lamontagne, à son épouse Anne Philippe et à
leurs descendants, 1665 - 1985"
Ces renseignements sont tirés de la "Collection Généalogique" de Sainte-Anne-de-Beaupré.
François Grimard, Chicoutimi, QC
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