Bonjour à tous
Madeleine de Verchères
En 1690, un exploit digne des femmes de la Nouvelle-France est enregistré à Verchères.
Marie Perrot, femme de François Jarret de Verchères, mère de neuf enfants, tient en respect
un nombre indéterminé d'Iroquois qui veulent entrer dans le fort de Verchères. L'assurance
de Marie Perrot fit croire à ses assaillants que la place qu'ils estimaient vide était en
réalité peuplée de nombreux soldats.
Le père François-Xavier de Charlevoix, s'appuyant sur d'autres récits, raconte ainsi la fin de
l'exploit : " L'espérance que les assiégeants avaient conçue d'abord, d'avoir bon marché d'une
place qu'ils savaient dégarnie d'hommes, les fit retourner plusieurs fois à la charge; mais
la Dame les écarta toujours. Elle se battit de la sorte pendant deux jours avec une bravoure
et une présence d'esprit qui auraient fait honneur à un vieux guerrier; et elle contraignit
enfin l'ennemi de se retirer, de peur d'être coupé, bien honteux d'être obligé de fuir devant
une femme. "
Bon sang ne saurait mentir... Deux ans plus tard, une adolescente de quatorze ans,
Marie-Madeleine que sa famille surnomme affectueusement Magdelon, vit une aventure en
tout point semblable à celle vécue par sa mère. La charmante héroïne de Verchères devait
elle-même consigner par écrit les détails de son aventure qui allait lui rapporter la
gloire et... certaines pensions.
Dans ce texte, rédigé à huit heures du matin, le 22 octobre 1696, on apprend que, quatre ans
plus tôt, la jeune fille a été surprise aux champs par quarante-cinq Iroquois. Saisie de
frayeur, elle court à toute vitesse vers le fort où elle pourra s'abriter. La Vierge veille
sur elle puisque malgré les balles " de quarante-cinq fusils qui (lui) sifflaient aux oreilles ".
Elle entre saine et sauve dans le fort de Verchères.
Magdelon ne parle pas de l'épisode où un Iroquois, qui s'était approché d'elle au point de
la saisir, ne saisit que le mouchoir qu'elle portait au cou... Non, Magdelon fait un récit de
brave guerrier que rien n'arrête! Celle dont les larmes n'ont jamais coulé reste insensible
aux pleurs et aux cris des femmes dont les maris viennent d'être pris par les assiégeants.
Elle leur ordonne de se taire et de pleurer en silence. Comme sa mère, elle est partout à la
fois. Elle a caché ses cheveux sous un chapeau de soldat et donne des ordres à ses " deux
jeunes frères âgés de douze ans, notre domestique, deux soldats et un vieillard âgé de
quatre-vingts ans avec quelques femmes et quelques enfants ". Ici, elle empêche un soldat
pessimiste de faire sauter tout le monde pour éviter d'être pris. Là, elle tire avec ceux qui
sont en état de tirer.
Le temps est maussade. II neige et il grêle sur Verchères. Malgré cela, Madeleine
veille : " Je puis dire que je fus deux fois vingt-quatre heures sans dormir ni manger.
Je n'entrai pas une seule fois dans la maison de mon père; je me tenais sur le bastion,
ou j'allais voir de quelle manière on se comportait dans la redoute (elle y avait fait entrer
les femmes et les enfants).
Je paraissais toujours avec un air riant et gai; j'encourageais ma petite troupe par l'espérance
que je leur donnais d'un prompt secours. Le huitième jour (car nous fûmes huit jours dans de
continuelles alarmes, toujours à la vue de nos ennemis et exposés à leur fureur et à leur
barbarie); le huitième jour, dis-je, M. de la Monnerie, lieutenant détaché de M. de Callières,
arriva la nuit avec quarante hommes.
Ne sachant pas si le fort était pris, il faisait son approche en grand silence. Une de nos
sentinelles, entendant quelque bruit, cria :
- Qui vive!
J'étais pour lors assoupie, la tête sur une table, mon fusil de travers dans mes
bras. La sentinelle me dit qu'il entendait parler sur l'eau. Sans perdre de temps, je montai
sur le bastion pour reconnaître à la voix si c'étaient des Sauvages ou des Français.
Je leur demandai :
- Qui êtes-vous?
Ils me répondirent
- Français!
C'est La Monnerie qui vient pour donner du secours. Je fis ouvrir la porte du fort, j'y
plaçai une sentinelle, et je m'en allai au bord de l'eau pour les recevoir. Aussitôt que je
l'aperçus, je le saluai par ces paroles :
- Monsieur, soyez le bienvenu, je vous rends les armes.
- Mademoiselle, me répondit-il d'un air galant, elles sont en bonnes mains.
- Meilleures que vous ne croyez!, lui répliquai-je.
Source : Nos Racines p 249.
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