Généalogistes Associés

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Bonjour à tous

Hélie Grimard

Depuis plus de 350 ans le nom Grimard figure dans l'histoire de la Nouvelle-France.

Hélie Grimard et Pierre Morand : voici deux pionniers de la région trifluvienne. Le premier a pris épouse exactement un siècle avant le décès du second. Ils ne se sont peut-être jamais connus, mais leur descendance est si intimement liée que tous les Grimard canadiens sont aussi issus en ligne directe paternelle de Pierre Morand. C'est étrange, mais c'est la vérité.

Il y a plus. Par le jeu des surnoms, les rejetons de ces deux ancêtres ne sont des Morand que dans une minime proportion. Sauf les Grimard, les autres sont des Douville. Pour compléter le bouquet, les filles Morand qui se sont alliées aux frères Mathurin et Edmond Lévesque ont formé la souche des Rompré et celle des Dusablon mauriciens: les descendants des autres filles sont des Périgny et des L'Ecuyer.

Un patriarche

Peu de colons français établis au Canada sont nés au 16ème siècle. Si l'on en croit les recensements de 1666 et 1667, Hélie Grimard aurait vu le jour en 1586 ou 1587. Donc, à peine trente ans après la mort de Jacques Cartier. Dans sa jeunesse, Hélie a dû entendre parler des voyages du célèbre découvreur: encore davantage de ceux de son contemporain Samuel de Champlain. Donc, il doit être considéré comme un patriarche par rapport aux origines de la Nouvelle-France.

Son histoire commence le jour de son mariage, à Sainte-Marguerite de La Rochelle, le 30 juillet 1629, avec Anne Perrin, en présence des soldats Louis Monier et Gabriel Gringuet, et du cordonnier Jacques Mercier. Au moins deux enfants naissent en France, Barthélemi en 1633 et Jean, le futur canadien, né en 1636.

Deux ans plus tard, le 17 mars 1638, Hélie se rend chez son concitoyen et notaire Teuleron afin de s'engager au marchand Jean Tuffet. Il s'embarque sur le vaisseau Le Soleil, de 140 tonneaux, commandé par le capitaine Duhald, pour aller servir Pierre Desportes de Lignères, à qui la Compagnie des Cent Associés a cédé l'Ile du Cap-Breton en 1635. Son engagement terminé, il rentre à La Rochelle mais, le 6 avril 1642, devant le notaire Antoine Cheffault, il s'engage pour trois autres années. Cette fois-ci, il va travailler en Nouvelle-France à titre de charpentier de maisons, au salaire de 100 livres par année, dont il reçoit sur-le-champ une avance de 50 livres.

Est-il retourné en France en 1645? Si oui, il l'a peut-être fait à bord de l'un des cinq navires qui quittent Québec le 24 octobre avec 30,000 livres de castor. Trois d'entre eux sont commandés par MM de Repentigny, de Tilly et Godefroy.

Aux Trois-Rivières

Il est certain que, moins de deux ans plus tard, Hélie et sa famille sont installés aux Trois-Rivières, sur la terre voisine de celle de Marin de Repentigny. En 1647, le bien qu'il exploite ne lui aurait été concédé que verbalement. Il lui faudra attendre au 28 octobre 1649 pour que le gouverneur Louis d'Ailleboust lui en accorde le titre officiel. Selon l'historien Marcel Trudel, ce lot ne comporte qu'une superficie de 15 arpents, qui sera portée à 25 le 15 octobre 1656, puis ramenée à 15 en vertu d'un jugement du Conseil Souverain en date du 28 juin 1664. Du côté sud-ouest de son lot se déroule le chemin qui mène aux coteaux.

L'on sait que le 6 septembre 1648, il participe à l'élection d'un syndic dans son bourg d'adoption. En août 1649, Pierre Boucher commande 500 pieux de cèdre qui serviront à construire la palissade du futur fort des Trois-Rivières. Il ne faut rien de moins pour faire face avec efficacité au péril iroquois. Chaque habitant y aura son emplacement et devra y ériger rapidement un nouveau foyer. "Le concessionnaire, en plus de se bâtir, s'obligeait de fermer la ville d'une ranclore de bons pieux, dans l'an de sa concession, sous peine de nullité", écrit Montarville Boucher de la Bruyère. Le 13 juin 1650, il reçoit son lot de 20 toises sur 20, entre la palissade et la rue St-Pierre. Un côté conduit également aux coteaux (future rue Laviolette). Hélie y construit une maison et une grange qu'il conservera même après son établissement au Cap-de-la-Madeleine en 1662.

"Dans les relations qui rapportent les combats contre les iroquois à cette époque, le nom d'Hélie Grimard n'est pas mentionné. Il est vrai qu'on ne connaît pratiquement que le nom de ceux qui ont été tués. Il ne fait pas de doute toutefois qu'il a participé au combat, comme tous les habitants. Les familles et les enfants avaient ordre de ne pas quitter l'enceinte de la palissade. Quand aucun iroquois n'était en vue, les habitants pouvaient aller travailler sur leurs concessions originelles, deux ensemble et toujours armés. Le 7 août 1651, un nommé Mathurin est tué. Il était domestique d'Antoine Desrosier, voisin de concesion d'Hélie Grimard...".

"Le 18 août 1652 eut lieu le massacre d'habitants bien connus et estimés: Mathurin Guillet, le colon Rocheleau et le chirurgien Plassy... Ce dernier massacre de Trifluviens respectés incita le gouverneur Duplessis-Kerbodot à tenter un grand coup. Ce fut la désastreuse expédition du 19 août 1652 dans la banlieue des Trois-Rivières, expédition au cours de laquelle quinze colons sur une cinquantaine perdirent la vie. Les uns furent tués sur place, les autres emmenés en captivité".

"Quelle fut la part d'Hélie Grimard dans ce combat? Nous ne possédons aucun document pour nous renseigner de façon précise. De même que nous ne savons rien du rôle qu'il a remplit, l'année suivante, lorsque Pierre Boucher repoussa, avec une cinquantaine d'hommes, une autre attaque iroquoise".

Et de conclure Douville: "Sans doute n'était-il pas au premier rang des valeureux soldats? Il avait 66 ans. On ne met pas un sexagénaire aux premiers rangs du combat". Qu'importe! Il fit certainement son possible, comme tous les vaillants défenseurs du fort trifluvien, et il eut sa part de louanges dans ce que le gouverneur de Lauzon déclarait à Pierre Boucher après sa victoire: "Ah! que vous avez eu de bonheur d'avoir si bien conservé notre poste, car si les ennemis eussent pris les Trois-Rivières, tout le pays était perdu!"

A la suite de ces événements, la vie doit continuer. Bien que déjà au seuil de la vieillesse, Hélie Grimard se montre toujours actif. Le 5 avril 1675, il reçoit de Pierre Boucher une concession de deux arpents de front sur vingt de profondeur sur le "coteau des Pères", soit entre les actuels boulevards du Carmel et des Forges. L'année suivante, il achète de Jacques Loyseau dit Grandinière une autre superficie de deux arpents de front sur la rivière des Trois-Rivières (Saint-Maurice), sur quarante de profondeur. Concédée d'abord à Jérôme Langlois en 1657, cette terre sera revendue le 29 avril 1663 à Denis Vérignonneau.

Devant les tribunaux

Par le Registre des Audiences de la Juridiction royale des Trois-Rivières, nous savons qu'Hélie Grimard a eu recours plusieurs fois à la justice, soit pour réclamer son dû ou se défendre. Le 21 juin 1653, il comparaît devant Pierre Boucher et demande d'être remboursé de la somme de 35 livres due par feu Pierre Bellerive dit Dupuys, vraisemblablement celui qui a été l'une des victimes de l'engagement de l'année précédente. Il dit " l'avoir logé, nourry de lard et autres choses pendant un an". Le juge décide que "la dite somme sera payée sur les deniers provenus de la vente des hardes du dit feu Dupuys, en cas qu'il se trouve suffisamment de quoy payer les présentes".

Le 27 avril 1655, Anne Perrin, femme d'Hélie, et sa voisine Marguerite Hayet, femme de des Groseilliers, en viennent aux prises. La première réclame de la seconde le paiement de deux cochons qui auraient été blessés "dans son champ qu'elle faisait ensemencer". Marguerite riposte en alléguant qu'Anne n'avait qu'à enfermer ses bêtes. Le juge clôt le débat en nommant deux arbitres pour estimer les cochons et les dommages faits aux grains et "si la dite Hayet ne veut prendre les cochons, elle baillera un minot de pois à la dite Perrin pour faire panser les dits cochons blessés...".

Le 6 novembre suivant, Grimard poursuit Jacques Aubuchon pour la somme de 60 livres qu'il réclame en castor. Encore une fois, le tribunal lui accorde raison, sauf que le débiteur ne sera pas obligé de payer en castor. L'année suivante, Hélie a des démêlés avec Jean Desmarais pour le paiement d'une journée et demie de travail, ainsi qu'avec son voisin Médard Chouart des Groseilliers au sujet d'un chemin qu'il fait sur la terre de ce dernier.

Le 6 avril 1658, devant le juge Maurice Poulain, c'est Anne Perrin qui poursuit Jacques Loyseau dit Grandinière, débiteur de feu Jacques Huttot dit Lamarre, pour la somme de 60 livres. Loyseau aura jusqu'à la Pentecôte pour payer les 40 livres réellement dues. Le lundi 10 mars 1659, Pierre Boucher intervient de nouveau pour mettre fin à un différend survenu entre Grimard et Jean Sauvaget, son voisin, au sujet de leurs terres. Entre 1659 et 1662 au moins, l'ancêtre et sa femme reviendront plusieurs fois revendiquer ou défendre leurs droits pour des sujets aussi courants à cette époque que la possession de planches ou d'anguilles, entre autres choses.

L'historien Douville rapporte une cause plus importante confrontant Grimard et son autre voisin Antoine Desrosiers. "Le différend portait sur l'alignement des concessions qui leur avaient été accordées. Antoine Desrosiers réclamait comme sienne une étendue de terre qu'il avait défrichée et qui se trouva appartenir à Hélie Grimard. C'est du moins l'opinion officielle émise par les Messieurs du Conseil Souverain. Le jugement rendu, Desrosiers voulait bien s'y conformer, mais il se trouvait qu'il avait fait du défrichement au profit de son voisin. D'où nouvelles chicanes, nouvelles disputes. Heureusement, on en arriva à une entente. Desrosiers pourra jouir encore une année des trois arpents défrichés sur la terre de Grimard. Pendant ce temps, ce dernier ira défricher trois arpents sur la terre que possède Antoine Desrosiers à Champlain. Un premier contrat notarié est passé à Québec au printemps de 1665. Il est confirmé par le notaire Ameau le 17 novembre suivant".

Au Cap-de-la-Madeleine

A cette étape de sa vie, Hélie Grimard avait commencé à lorgner du côté du Cap-de-la-Madeleine. Le 10 janvier 1658, il avait acheté de Jacques Loyseau dit Grandinière une autre superficie de deux arpents de front face à la rivière des Trois-Rivières, sur quarante de profondeur. Loyseau restera le fermier de Grimard jusqu'à ce que celui-ci revende cette terre, le 29 avril 1663, pour la somme de 30 livres. Il y avait trois arpents défrichés.

Tout en conservant ses propriétés du côté des Trois-Rivières, c'est vers cette époque que la famille Grimard va s'installer de l'autre coté de la rivière. Le 24 mai 1662, l'ancêtre avait reçu du Père Jehan Allouez, représentant des seigneurs jésuites, une concession de deux arpents sur quarante, où il décida de s'établir. Il y emmena son fils Jean et son épouse Christine Reynier, avec qui il avait conclu un accord le 5 février précédent, devant le notaire Ameau. Le jeune couple s'était engagé à partager "les travaux et les profits du dit Hélie Grimard" et, en retour, celui-ci devait fournir nourriture et chauffage. Cet accord sera toutefois annulé le 2 janvier 1664, sans doute parce que Jean et sa femme désiraient voler de leurs propres ailes. Entre-temps, Hélie et son épouse Anne Perrin s'étaient donné mutuellement leurs biens, considérant que ce qu'ils avaient acquis ensemble ne devait faire l'objet d'aucun litige de la part de leurs héritiers.

Un commerce qui tourne au vinaigre

Incapables de cultiver à cause de son âge, le pionnier et plus tard son épouse, affermeront leur terre du Cap-de-la-Madeleine. Il appert qu'ils soient retournés vivre dans leur domaine des Trois-Rivières, où le recenseur les inscrit en 1666 et 1667. Hélie est, dit-on, devenu octogénaire. Ses fils Paul et Hélie demeurent avec lui, de même que son domestique Jacques Loyseau. La famille possède six bêtes et exploite 25 arpents de terre.

A cette époque, l'ancêtre continue à vaquer à "un petit commerce de fourrures et d'objets divers", passe-temps qui ne tardera pas à tourner au vinaigre si l'on s'en reporte aux poursuites des créanciers, qui s'échelonneront sur une vingtaine d'années et qui seront l'ultime cauchemar du vieux couple.

Déjà, le 6 avril 1663, Daniel Biaille réclamait 170 livres au nom des marchands Petit et Salomon de La Rochelle. Cette somme avait été payée, mais l'incident présageait des difficultés à venir. Le 16 juin 1673, une ordonnance condamne les époux Grimard à payer à Charles Bazire, représenté par Pierre Leboulanger de Saint-Pierre, la somme de 510 livres plus les intérêts courus depuis l'émission de l'obligation, soit le 30 janvier précédent.

Presque nonagénaire, Hélie est arrivé au bout de son chemin ici-bas. On ne connaît pas la date de son décès, mais son "saut dans l'éternité" se fait quelque part entre la fin de 1674 et le début de 1676. Après lui, Anne Perrin et son fils Jean, en tant qu'héritiers, vivront des années de cauchemar. En 1683, la dette de 1673 n'est toujours pas payée. Charles Aubert de Lachesnaye, qui a hérité des droits de Charles Bazire, fait saisir les biens de la famille, soit l'emplacement et la terre des Trois-Rivières, ainsi que la concession du Cap-de-la-Madeleine. Imaginez quelle humiliation a dû subir toute cette famille aux prises avec tout le processus des assignations, affiches, criées et mise à l'enchère sur la place publique!.

Anne Perrin ne verra pas la fin de ces poursuites. Elle vit ses derniers moments chez son fils Jean, à présent établi à Batiscan. Elle s'éteint le 11 mars 1685 et est inhumée le lendemain.

Deux générations plus tard

Jean Grimard, fils d'Hélie et d'Anne Perrin, était né à La Rochelle et baptisé dans l'église de Saint-Nicolas le 21 août 1636. Il était le seul enfant arrivé avec ses parents aux Trois-Rivières vers 1647. Il est âgé de 25 ans lorsqu'il épouse Madeleine-Christine Reynier, née de l'union de Henri Reynier et d'Anne Blauvin, domiciliés à Compiègne, en Picardie (Oise). Jean et Madeleine-Christine élèveront une fille unique, Marie-Madeleine, née vraisemblablement au Cap-de-la-Madeleine vers 1663.

Quatorze ans passent, Pierre Morand, un jeune Auvergnat qui vient de s'établir à Batiscan, la demande en mariage. Ce Pierre, natif du bourg de Triouleyre, près de Saint-Jean-d'Aubrigoux (Haute-Loire), serait arrivé dans la région vers 1674, mais les documents connus le mentionnent pour la première fois le 11 octobre 1677. Ce jour-là, il achète du couple Pierre Tousignan et Madeleine Philippe une concession de deux arpents sur quarante avec bâtiments et dépendances, face au grand chemin qui longe le fleuve. Ses voisins immédiats sont Pierre Cailla et Pierre Retour. Cette terre avait auparavant appartenu à Charles Dutaut, puis à Michel Lemay. Elle était l'onzième depuis la rivière Champlain. Morand l'acquiert pour la somme de 650 livres, payée en castor dès le lendemain, en la maison de François Chorel de Saint-Romain.

"Ce petit détail laisse supposer que Morand aurait un certain temps fait la traite des fourrures. Car nous doutons fort qu'il aurait pu, dès son arrivée au pays, payer comptant une somme de 650 livres, même et surtout en peaux de castor. Et comme le paiement a été complété en la maison de François Chorel, intéressé sur une haute échelle dans la traite et qui recrutait des voyageurs pour les pays-d'en-haut, il est possible que Pierre Morand ait été à son service pendant un certain temps".

Le 23 novembre suivant, le cérémonial du contrat de mariage que décrit le notaire Adhémar se déroule au domicile des parents de la future épouse. C'est ici qu'on apprend que Pierre est le fils de Jacques Morand et Marie Joubé, de la paroisse Saint-Jean de Triouleyre, évêché de Clermont, en Auvergne. Anne Perrin, la grand-mère de Marie-Madeleine, est présente, ainsi que l'oncle Hélie Grimard, François Duclos, Nicolas Rivard, Mathieu Rouillard, Julien Rivard, Louis Guillet, Pierre Lafond et Pierre Rivard, tous habitants de Batiscan. Jean Grimard donne à sa fille une vache, promet de louer aux futurs époux, dans deux ans, une paire de boeufs de service domptés et de les nourrir gratuitement pendant six mois. Tous les gens réunis apposent leur marque au bas de l'acte, sauf Nicolas Duclos et le notaire instrumentant qui signent. Le mariage a dû être célébré quelques jours plus tard à Batiscan, mais cet acte est perdu. Le premier enfant, Marie, ne naîtra que trois ans plus tard.

Entre-temps, la vache du jeune couple est louée pour deux ans à Jean Pousset, de Saint-Charles-des-Roches (Grondines). Le prix de location est fixé à 50 livres. Au recensement de 1681, Pierre Morand se dit âgé de 30 ans et sa femme de 18: ils possèdent un fusil, deux boeufs (possiblement ceux qui ont été promis par Jean Grimard au contrat de mariage) et dix arpents de leur terre sont exploités. Les voisins immédiats sont Pierre Retour et Pierre Richer dit Laflèche. A la fin de 1682, plusieurs habitants de Batiscan reçoivent un nouveau titre de propriété, notamment Pierre Contant, Timothée Josson, François Duclos, Joseph de Morache, Claude Lepell, et Antoine L'Ecuyer. Pierre Morand et Jean Grimard obtiennent le leur les 10 et 11 décembre respectivement.

Il appert que Pierre se soit de nouveau laissé tenter par l'aventure en 1683. Un acte d'Hilaire Bourgine, daté du 6 août 1685, nous informe qu'il reconnaît devoir au marchand François Hazeur, qui organisait à cette époque de nombreux voyages de traite, un solde de 221 livres pour marchandises livrées pour un voyage effectué aux Outaouais deux ans auparavant.

Fâcheux incident

En 1690, Madeleine, l'épouse de Pierre Morand, est témoin d'un fâcheux incident dont l'acteur principal est l'arrogant officier Jacques-François Hamelin de Bourgchemin, qui avait épousé en 1687 Elisabeth Disy. La scène débute chez la soeur de celle-ci, Marguerite, dont la maison est une auberge de réputation douteuse. Quelques colons et soldats sont attablés. Au moment de partir, Elisabeth, qui demeure chez sa soeur, exige des clients le prix de deux bouteilles au lieu d'une. Suit une algarade au cours de laquelle l'impertinente jeune femme lance au soldat Antoine Brûlé dit Francoeur:

-A qui pensez-vous parler quand vous parlez à Madame Bourgchemin?
Et Francoeur de répondre:
-Fuissiez-vous mademoiselle le diable!
Le colon Aubin Maudou lance alors:
-Qui que vous soyez, madame de Bourgchemin, on ne laisse pas de parler à la Reine qui est bien plus grande dame que vous.

Le lendemain matin, Maudou, qui logeait chez Pierre Morand voit surgir Bourgchemin, qui lui arrache le manche de hache qu'il tient à la main, lui assène un coup au-dessus de l'oeil droit et lui en sert un autre à la tête avec son épée. Madame Morand et sa voisine, la femme du chirurgien Circé de Saint-Michel, sont témoins de la scène.

Morand, qui bat son grain derrière la grange, est appelé et voit Maudou le visage couvert de sang. Il s'en plaint à l'officier De Jordy, qui le menace de le mettre au cachot. Sébastien Provencher, le beau-père de Maudou, porte plainte au juge des Trois-Rivières qui somme Bourgchemin de comparaître. Celui-ci offre à la victime un dédommagement de 200 livres que Maudou accepte. "Cet incident, démontre avec quelle morgue hautaine les officiers cantonnés dans les villages traitaient les habitants et aussi les simples soldats. Car l'incident de Batiscan, on le sait, ne fut pas un cas isolé".

Bourgchemin, d'ailleurs, finira par être désavoué par Frontenac qui le renverra en France à la suite d'autres incidents que le gouverneur ne pouvait plus tolérer.

La vie quotidienne

L'historien Douville affirme que son ancêtre a été plutôt sédentaire. Il s'est cramponné à sa concession qu'il agrandit d'année en année, dans le calme du labeur quotidien. Il aide constamment son beau-père Jean Grimard dont Marie-Madeleine, fille unique, hérite de tous les biens. Les Morand participent à la vie communautaire, car on voit souvent leur nom dans les registres paroissaux comme parrain et marraine, témoins à des sépultures ainsi qu'à des contrats notariés.

L'inventaire des biens de François Fafard décrit par le notaire Daniel Normandin le 30 décembre 1711 révèle que celui-ci est décédé le jour de Noël précédent, dans la maison qu'il tenait à la ferme de Pierre Morand, à Batiscan. Le 26 juin 1720, le même tabellion fait part du consentement accordé par le Père Claude Dupuys, procureur des seigneurs jésuites, à quelques colons de Batiscan au sujet du prolongement de leurs terres. Il s'agissait de boisés où les censitaires pourraient s'alimenter en bois de chauffage. Pierre Morand est au nombre des bénéficiaires avec Jacques Massicot, François Duclos dit Carrignan et Anne Rabady, veuve d'Antoine l'Ecuyer.

Les deuils

Christine Reynier, mère de Madeleine Grimard, était décédée le 4 mars 1699. Son époux, Jean Grimard, l'avait suivie dans la tombe deux ans plus tard, soit le 21 mars 1701. Il avait été emporté subitement à l'âge de 65 ans.

Près d'un quart de siècle plus tard, la génération suivante commence à s'éteindre. Madeleine est la première à partir: elle meurt le 22 décembre 1725, à 63 ans. Le 10 novembre, elle et Pierre avaient fait rédiger leur testament par le notaire François Trotain qui s'était rendu au logis familial où madame Morand était alitée. Ils avaient alors décrété que leurs biens devaient être séparés à parts égales entre leurs enfants, après l'acquitement des frais funéraires et le paiement de 200 messes basses pour le repos de l'âme de chacun. L'inventaire des biens de Madeleine sera dressé le 7 février 1726 par le notaire Normandin, qui fera aussi, le lendemain, le compte-rendu d'une sentence arbitrale nécessitée par une dispute survenue entre les héritiers relativement au testament de l'ancêtre Pierre et de son épouse. Le 11 mars, des corrections seront faites au partage des biens.

"Il semble bien que lors de la rédaction du testament, madame Morand était malade depuis longtemps. Un article spécifie que les hardes qui appartiennent à leur fille Catherine, et qu'elle a achetées de ses propres deniers lui soient laissées en propre, pour la peine qu'elle a eue à soulager sa mère dans une si longue maladie..." Dans un codicille au testament quelques mois avant sa mort, soit le 28 mars 1729, Pierre Morand avoue avoir donné à Catherine un arpent de terre afin de faciliter son mariage avec Nicolas L'Ecuyer,"ce qui fait gronder journellement mes autres enfants, disant qu'après mon décès ils feront révoquer le don porté au dit contrat de mariage. Mais comme leur père, ayant connaissance des grandes peines, fatigue et secours que ma fille Catherine Morand nous a donnés dans notre extrémité et crespyde vieillesse, ayant tenu sur ses bras sa mère et un jeune frère qu'il fallait veiller jour et nuit, sans soulagement que de la pauvre fille qui en a pris la peine jusqu'à leur mort: donc, ayant songé à récompenser la pauvre fille, je me suis fait transporter à l'étude du notaire sieur François Trotain, et j'ai révoqué comme si-devant mon dit testament..".

Pierre Morand est inhumé à Batiscan le 11 juin 1729. Son acte de sépulture se lit comme suit:

"Le 11 juin 1729, par Moy soussigné ptre Curé de cette paroisse a été inhumé dans le cimetière de lad. paroisse le corps de Pierre Morand âgé de quatre-vingt trois ans, après avoir reçu les derniers sacrements. Furent présents les sieurs Augustin Trottier et François Desbroyeux qui ont signé avec Nous. Aussy signé G. Lefebvre ptre curé de Batiscan"

"On peut dire que Pierre Morand fut un colon modèle, bien dans la tradition de ces héroïques et paisibles pionniers qui firent notre pays. Attaché au sol, méthodique, consciencieux, énergique...Il pouvait mourir en paix, ayant accompli sa tâche".

La lignée de Jean Morand-Grimard

Pierre Morand et Magdeleine Grimard eurent onze enfants, mais deux fils seulement ont continué des lignées paternelles dont Jean-Baptiste, qui signait Jean Morand-Grimard, mon ancêtre.

Né et baptisé à Batiscan sous le nom de Jean-Baptiste le 8 juin 1685, Jean Grimard épousa à Québec le 5 novembre 1707 Elisabeth Dubois, âgée de quinze ans et demi, fille de feu Jean Dubois, maître-taillandier, et d'Anne-Marie Maillou. Ils eurent dix-neuf enfants.

Jean Grimard avait déjà travaillé à Saint-Anne, comme fermier et défricheur, mais c'est après son mariage qu'il acheta à cet endroit une terre (en 1708) mesurant six arpents sur quarante de profondeur, le long du fleuve, dans le rang du "Bas de Saint-Anne", comme on disait et comme on dit encore.

Cette terre ne restera dans la famille qu'un siècle, mais des descendants s'y trouve encore, depuis près de trois cents ans. Ils ont essaimé, au hasard des mariages et des successions, à travers toute la paroisse et même aux paroisses avoisinantes.

Ce couple eut parmi ses douze enfants survivants, sept fils mariés, mais seulement quatre d'entre eux ont laissé des lignées directes, dont Ignace, mon ancêtre.

Ignace Morand-Grimard (1715-1801)

Deuxième fils de Jean et d'Elisabeth Dubois, Ignace, né en 1715, fut cependant le dernier à se marier et héritait de la terre paternelle lors de son mariage en 1752 avec Marie-Joseph Tessier, sa jeune voisine de dix-neuf ans. Ils ont réchappé cinq enfants, tous des fils: Jean-Baptiste, Paul, Joseph, Ignace et Etienne. Tous ces garçons font qu'environ 90% des Grimard de nos jours descendent d'Ignace. Comme tant d'autres, son parrain, Ignace Guyon, lui laissa son nom à son baptême. Il semble avoir été un enfant tranquille, réservé, menant sa petite vie sans trop participer aux activités du village.

Se mariant sur le tard, à l'âge de trente-sept ans et héritant de la ferme familiale, Ignace vécut d'une prospérité relative avec ses cinq fils, cinq autres enfants étant morts en bas âge. Son père ne voulant pas que la terre soit divisée et rendue ainsi incapable de faire vivre décemment une famille, choisit de la laisser en son entier à son fils Ignace, parce qu'il lui cède la terre à condition qu'il puisse se servir de la moitié de la terre durant son vivant et qu'il partage la somme de six cents livres entre ses frères et soeurs après le décès des deux parents. Il donnait aussi trois cent livres comptant à ses parents. Le recensement de 1765 nous apprend qu'Ignace cultive 27 arpents sur les 45; il possède dix bêtes à cornes, douze moutons, deux chevaux et quatre cochons. Il a passé sa vie entière sur cette ferme à La Pérade, gagnant le repos éternel en 1801. Sa veuve passa ses dernières années chez leur fils, Etienne, de l'autre côté du fleuve, à Saint-Pierre-les-Becquets, lorsque ce dernier vendait la terre en 1805. Elle mourut en 1814.

Etienne, le prolifique

Le cadet des fils d'Ignace et Marie-Joseph Tessier s'appelait Etienne; avec les enfants de ses trois épouses, il laisse une descendance nombreuse et très répandue. Etienne avait hérité de la ferme paternelle à La Pérade et c'est là qu'il éleva les six enfants de son premier mariage jusqu'en 1805. Trois des fils ont encore des lignées directe: Joseph, Jean-Baptiste et Jean-Népomucène. De Joseph et Marie-Anne Demers nait Noël, mon ancêtre.

Frank Grimard, Chicoutimi

De Noël et Marguerite Naud est né un seul fils, Ludger (1854-1894), qui devait reserrer les liens de familles en mariant une petite cousine, Georgianna Grimard. Leur fils, François "Frank", est né à Manchester en 1880 où son père tentait sa chance dans les "factories" comme tant d'autres; ses parents sont revenus sur leur ferme à Ste-Sophie-de-Lévrard où le père est mort à peine âgé de 39 ans. Frank devait retourner à Manchester mais pas pour longtemps, juste le temps de faire une bonne rencontre... Elle s'appelait Marguerite Desmeules. Le couple s'est marié à Manchester en 1901 et est revenu au Québec vers 1905 pour aller s'installer à St-Gédéon au Lac St-Jean, dans la région de la famille de Marguerite.

Dans sa jeunesse, Frank avait travaillé dans une fromagerie à Ste-Sophie et aimait ce métier; il décidait d'acheter la fromagerie de St-Gédéon. Après avoir fait un stage à l'Ecole de Laiterie de St-Hyacinthe, il devenait inspecteur de beurrerie et fromagerie et s'installait à Chicoutimi.

Tout en gardant son emploi comme inspecteur, il fonda en 1921 la première usine de pasteurisation dans la région. La première journée, il vendit trois pintes de lait...ça n'a pas été facile. C'est aussi lui qui, le premier, a fabriqué de la crème glacée dans la région. La laiterie portait le nom de Laiterie de Chicoutimi Ltée et ses produits étaient les produits "Diamant", très bien connus des saguenéens.

Jusqu'à sa mort en 1966, il s'est intéressé à la bonne marche du commerce qu'il avait bâti et monté de toutes pièces. Après sa mort, ses deux fils Laurent, mon père, et Bertrand ont pris la relève du commerce. En 1971, on a fêté les 50 ans de la Laiterie et l'année suivante ce commerce florissant fut vendu à une entreprise de la région. Elle avait à ce moment quatre camions frigorifiques pour la crème glacée et quinze "routes" de lait.

Cette belle famille du Saguenay comprenait dix enfants, dont deux prêtres, une infirmière, une religieuse, un entrepreneur en électricité, belle famille bien connue dans la région et même à Sherbrooke où un de ses fils s'était établi. Aujourd'hui, les nombreux petits-enfants se distinguent dans la médecine, la vente, l'enseignement et il y a un troisième prêtre dans cette famille. Un des petits-fils a été prénommé Pierre Morand, car la généalogie de la famille avait déjà été faite. Mentionnons aussi la rue Grimard à Alma, nommée ainsi en honneur du curé de la paroisse St-Judes d'Alma de 1954 à 1964.

Ces renseignements sont tirés de la "Collection Généalogique" de Ste-Anne de Beaupré et "Les familles Grimard à travers l'Amérique" de Wilfrid Grimard, Editions du Bien Public 1979.

François Grimard, Chicoutimi, QC

 Lettre G

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